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Aga

Milko Lazarov, Bulgarie, 2018

Un vieux couple de Yakoutes de Sibérie vit isolé dans une des régions les plus désolées et les plus froides du monde. Nanook chasse et pêche, tandis que Sedna tanne les peaux et en fait des vêtements. Mais le gibier se fait rare alors que la glace fond chaque année plus tôt. Le Bulgare Milko Lazarov est allé à l’extrême nord de la Sibérie orientale pour rendre compte de la fin irréversible d’une civilisation.

Cantate sibérienne

Ils sont minuscules, perdus au loin, au milieu de ces étendues immenses et glacées, filmées en plans larges. Ils sont vieux et seuls: lui perd la mémoire, elle soigne une douleur sur le côté que Nanook ne remarque pas. Le scooter des neiges de Chena est leur seul lien avec le monde au-delà des steppes. Le jeune homme leur apporte du bois, pour le chauffage, et du pétrole, pour la lumière. Il donne aussi des nouvelles d’Ága, leur fille partie travailler au loin, abandonnant les traditions ancestrales. Ce que son père n’a toujours pas pardonné.

Il y a cent ans, Robert Flaherty tournait son premier documentaire sur les «esquimaux», comme on les appelait à l’époque.
Un vieux couple de Yakoutes de Sibérie vit isolé dans une des régions les plus désolées et les plus froides du monde. Nanook chasse et pêche, tandis que Sedna tanne les peaux et en fait des vêtements. Mais le gibier se fait rare alors que la glace fond chaque année plus tôt. Le Bulgare Milko Lazarov est allé à l’extrême nord de la Sibérie orientale pour rendre compte de la fin irréversible d’une civilisation.

Cantate sibérienne

Ils sont minuscules, perdus au loin, au milieu de ces étendues immenses et glacées, filmées en plans larges. Ils sont vieux et seuls: lui perd la mémoire, elle soigne une douleur sur le côté que Nanook ne remarque pas. Le scooter des neiges de Chena est leur seul lien avec le monde au-delà des steppes. Le jeune homme leur apporte du bois, pour le chauffage, et du pétrole, pour la lumière. Il donne aussi des nouvelles d’Ága, leur fille partie travailler au loin, abandonnant les traditions ancestrales. Ce que son père n’a toujours pas pardonné.

Il y a cent ans, Robert Flaherty tournait son premier documentaire sur les «esquimaux», comme on les appelait à l’époque. Trois ans plus tard, il retournait dans le Grand Nord canadien pour filmer une famille Inuit dont le chef était Nanook, qui donnera le titre à son film Nanook of the North, marquant le début de l’histoire du documentaire filmé. Si c’est bien une fiction que Milko Lazarov est allé tourner dans la république russe de Sakha, avec des acteurs professionnels du cru, l’hommage rendu à Flaherty est évident, ne serait-ce que par le nom donné au vieil homme. La référence au cinéaste américain pourrait d’ailleurs être poursuivie à propos des frontières entre documentaire et fiction. Autant Flaherty introduisit plusieurs scènes «arrangées» dans son film - ce qui lui fut reproché longtemps -, autant Lazarov, avec Ága, donne des images mises en scène certes, mais fidèles au possible à la réalité, avec un rythme posé et une caméra respectueuse et précise, avec une musique discrète mais émouvante. Le résultat est à la hauteur de l’ambition: éviter le récit cataclysmique convenu pour exprimer la fin d’un monde, en proposant une cantate somptueuse qui rend honneur à toutes ces cultures, au nord comme au sud, qui disparaissent inexorablement.

Martial Knaebel
Durée
96 minutes
Langue
VO Iakoute
Sous-titres
allemand, français, italien
Qualité
1080p
Disponibilité
Suisse, Liechtenstein
Western
Valeska Grisebach
Bulgarie
120′
Un groupe d’ouvriers allemands travaille sur un chantier au fin fond de la Bulgarie. Barrière de la langue, fossé culturel, les relations avec la population du village alentour se révèlent difficiles, voire conflictuelles. C’est un véritable western, que nous propose Valeska Grisebach, avec ses codes et ses archétypes que la réalisatrice revisite avec une maîtrise et un bonheur certains. Un Western, mais pas seulement. Une équipe d’ouvriers allemands débarque sur un chantier aux confins de la Bulgarie, proche de la frontière avec la Grèce. Ils sont un peu perdus, loin de chez eux, évitant d’abord les contacts avec la population locale, avant de devenir quelque peu agressifs. Parmi eux, Meinhard, peu disert, ira découvrir la vallée en solitaire et essayer de briser l’obstacle de la langue. Un cheval, trouvé paissant seul dans un pré, lui servira de lien avec les habitants du village voisin. Au début, on pourrait se croire dans un documentaire suivant une équipe d’ouvriers. La caméra garde ses distances, observant le groupe dans son installation, dans son travail sur le chantier, avec des dialogues simplement utilitaires. Puis deux hommes émergent du groupe: Vincent, le contremaître, et surtout Meinhard, homme taciturne qui reste à l’écart des autres. Les deux ont un point commun: l’envie d’entrer en contact avec les gens du coin, mais le premier s’y prend mal, au contraire du second. Et, de fait, l’intrigue tourne autour de cette envie et des relations entre deux populations qui ne se comprennent pas. Les situations conflictuelles ne manquent pas, difficiles à dénouer quand les préjugés dominent et qu’on ne parle pas la même langue. Il est sûr qu’on retrouve beaucoup d’éléments dramatiques, dans Western, qui font référence au genre: une vallée isolée, des «Indiens» (les villageois bulgares), des «pionniers» (les ouvriers allemands) sûrs d’apporter le progrès et un «héros cow-boy» solitaire (Meinhard). Cependant, on pourrait, et on devrait, surtout voir dans ce film une allégorie de l’Europe d’aujourd’hui qui, avec ses cohortes d’ouvriers détachés, est bien loin de la construction idéale annoncée. Vision pessimiste? Pas forcément, nous dit Western. Martial Knaebel
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Avé
Konstantin Bojanov
Bulgarie
86′
Parti de Sofia, Kamen se rend en stop à Roussé, dans le nord de la Bulgarie. Sur la route, il rencontre Avé, une jeune fugueuse un peu paumée de 17 ans, qui lui impose rapidement sa compagnie. A travers cette rencontre, c’est le portrait d’une jeunesse en errance et d’une Bulgarie oubliée de la mondialisation que Konstantin Bojanov nous fait découvrir. Mais le film est également une fine métaphore du passage à l’âge adulte et des sentiments ambivalents que cette phase de vie génère. Etudiant en art, Kamen rencontre Avé alors qu’il se rend au nord du pays en autostop. La jeune fille de 17 ans s’agrippe alors à lui et ne va plus le lâcher. Très vite, Kamen se rend compte de la tendance compulsive au mensonge d’Avé. Elle mélange vérité et fantasmes, s’invente des personnages. Elle ment pour s’amuser, par provocation, pour pimenter sa vie et celle des autres, mais elle ment surtout pour mieux accepter sa propre existence. Avé est en fugue. Sa réalité, c’est une relation conflictuelle avec ses parents et un frère accro à l’héroïne qu’elle aime et qu’elle veut sauver. Si Avé ment et affabule pour agrémenter sa vie, Kamen, lui, prend la réalité de face. Taciturne et résigné, il semble ployer sous la gravité des événements. La réalité du monde qui les entoure, et que Konstantin Bojanov nous montre, c’est la Bulgarie des faubourgs, des petites villes de province oubliées, des stations-services glauques et du bitume. C’est également les gens qu’Avé et Kamen vont croiser tout au long de leur errance: pervers, violents et paumés en tout genre. Les nouveaux riches et le développement économique de la capitale semblent bien éloignés, tout comme la dolce vita des côtes de la mer Noire. Et lorsque les personnages pensent enfin arriver à Varna et ses côtes ensoleillées, ils se perdent chacun en route. A travers ce road movie sensible et pudique, le cinéaste bulgare nous propose une magnifique réflexion sur la jeunesse et la construction de l’identité sociale et personnelle. Il réussit brillamment à mettre en évidence les mécanismes propres à cette phase et en retranscrire la lumière, l’énergie, mais également la noirceur. Avec cette œuvre émouvante et personnelle, Bojanov prend date et pose les jalons d’un cinéma intime et réaliste à la fois, dont il conviendra de suivre l’évolution.
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