Tunis, avant la révolution. Une rumeur court dans les quartiers populaires, selon laquelle un homme à moto balafrerait les fesses des femmes aux arrière-trains trop aguichants qu’il croiserait sur son chemin. Après la révolution, la jeune réalisatrice Kaouther Ben Hania se lance à sa recherche pour connaître ses motivations. Vrai ou faux documentaire? Ce Challat, existe-t-il vraiment?
Très vite, on ne se pose plus la question. Les scènes d’interviews ou d’interventions s’enchaînent à un tel rythme, chacune apportant sa contradiction à la précédente, qu’on renonce à vouloir percer le mystère pour admirer l’exercice d’équilibriste que nous propose à voir la réalisatrice. Kaouther Ben Hania nous promène ainsi (au sens propre, comme au figuré) dans les quartiers de Tunis. De même, on n’essaie plus de savoir quel personnage est bien réel ou fictionnel car, au bout du compte, tout le monde y joue un rôle, qu’il soit assigné par la société ou par la réalisatrice. La verve de tous ces gens ne cesse de nous prendre au dépourvu avec son langage truculent et sa capacité d’autodérision, les hommes se moquant à leur manière de leur propre machisme. Alors, documentaire ou fiction? Un mélange des deux, c’est sûr. Et ce n’est qu’au générique de fin qu’on peut (un tout petit peu) faire la différence. Par contre, il y a une chose de sûr et de vrai: la plongée dans la réalité de société tunisienne d’après la révolution que nous propose la jeune réalisatrice est révélatrice car on y voit bien qu’elle n’a, de loin, pas résolu tous ses problèmes qui apparaissent à tout moment en pointillés.
Martial Knaebel